Lettre ouverte – Papounet

Nous voici réunis, ici, ou par la pensée, pour toi, autour de toi.

Toi, le breton d’Alger, le celte de la méditerranée.

Toi, le tourneur ajusteur,
le dessinateur industriel,
le sous-marinier,
le mécanicien de soute des navires de guerre,
le chercheur de plomb au fond des mines du Maroc,
le dépanneur de frigidaires,
le fabriquant – trafiquant ? de machines à coudre,
le diplômé de l’école supérieure des industries du vêtement (dont l’obtention a déclenché ma fabrication).

Toi le roi des textiles du nord, toulousains, lyonnais, bordelais,
le syndicaliste déterminé,
le chef suprême régnant sur les ateliers où des centaines de cousettes te lorgnaient, avec un brin d’admiration.

Toi le retraité plein d’allant, bourlingueur, fidèle en amitié.
Le photographe des fleurs, des fêtes de familles, des paysages d’automne, et des couleurs mystérieuses que toi seul pouvais voir.

Toi et maman, indissociables dans mes yeux d’enfant.
Sa douceur, ton énergie,
sa sagacité, ton esprit d’aventure,
sa retenue, tes élans,
votre goût des autres partagé,
un coup de foudre de presque 60 ans.

Tu l’as portée dans vos figures acrobatiques de jeunes amoureux sportifs, tu lui as cassé les côtes en dansant le rock, broyé les bras en l’enlaçant …
Et puis, tu as tenu sa main dans sa prison de cécité, accompagnée dans les jours sombres de la maladie,
et aimée pour toujours.

Toi qui, … vers tes 86/87 ans, as su faire découvrir la joie de vivre à notre petite Jeannette.
Tu lui as offert ces deux années, bien trop courtes, mais si denses,
que vous avez goûtées ensemble dans la complicité, les rires et la tendresse.

Toi, dont l’humour ravageur, les jeux de mots tirés par les cheveux et les blagounettes resteront légendaires.
Tout comme cette étonnante capacité à t’accorder avec toutes les générations, sans aucun préjugé, avec simplicité et bonne humeur.

Toi le père précurseur qui changeait nos couches de bébés, venait nous chercher à l’école, nous portait sur tes larges épaules, toujours fier de ses filles.
Toi le dessinateur de Bécassine, qui cousais les ourlets des pantalons et puis des grands rideaux.
Toi qui as instillé dans mes gènes ta fameuse maladresse… je t’en remercie…

Toi qui attirais les enfants comme le cerisier les oiseaux.
Toi, le tonton affectueux et accueillant.

Toi le grand-père pas ordinaire.
Le papy attentif, à tous et à chacun.
L’ex petit garçon solitaire pour qui enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants, occupaient chaque fibre de ton cœur.

Toi qui as su nous montrer les chemins de la tolérance, de la fantaisie, de la combativité, de l’amour et de la générosité.

Toi, mon papounet.
Je te dis au revoir.

Bientôt, tes petites particules vont s’envoler jusque dans l’atmosphère bleutée, et y retrouver celles de maman,
pour les enlacer,
libres, joyeuses et dans la lumière du soleil.

pa et riquette à la houpe_02