poème – Mal à lames

J’ai passé l’âme à gauche
Suspendue
Entre le vide et rien
Parti l’amor dans l’âme

Lumière étreinte
Illusoire
Le rai sans consistance
Fait la nique et s’égare

Ma lame à l’œil
Fend de son fil saumâtre
Le nez, la bouche
Le thorax
S’enfonce entre les côtes

Et par ce trou béant
Ma substance se vide
Comme en apesanteur
Débris flottés
Pourpres sanguinolents
Éparpillés
En myriades de cellules
Dénoyautées

Dichotomie embryonnaire
Déficiente
Ma conscience s’égare
Dans un grain de météorites
Pluie d’artifices vains
Les débris s’entrechoquent
Se mettent à tournoyer
Fracassant le néant

Une lame de fond
Enfle puis disparaît
Happée par un trou noir

L’antimatière glaciale
Née de l’iniquité
Fige dans ses cristaux
Un affreux mal à lames


Poème – Un loup hurle

Un loup hurle
Là tout au fond

Son cri primal
Déchire
La paroi verticale
Abdominale
Abominable lacération

Hurle à la mort

Il erre
Se terre
Solitaire
Cogne à grands coups sourds
Avec son front épais

Il rameute sa meute
Mais seul le désert
Répond en écho dur
Minéral
Asséché

Un loup broie de ses crocs
Les os fragiles
Frêles esquilles
Banderilles ensanglantées
Fichées au cœur

Un loup hurle
Sa fureur vaine
Veines saillantes
Douloureuse saillie

Il griffe frénétique
Les murs de silence
Mais nul son
Ne traverse
Ne peux se libérer

Et son hurlement fou
Demeure prisonnier
Guttural
Au cœur de ses entrailles

anim-loup-oeil


Collage – N° 100

Collage – ©Ghislaine Rouxel – 2013 – 30 x 40

GR_N°100_2013_30X40


Poème – Trombes

Telle une chute d’airain
L’eau cascade en déluge
Se brise
Petits deltas de ruisselets
Brillants
Sur le bitume

Clapote mes bottes dans la flotte
Des giclures joyeuses
Trempent le tissu tendu
Sur la soie de la peau
Y coulent leur caresse
De perles translucides

Le ciel se déverse
Gronde tel un démiurge
Zèbre brutalement
Les nébulosités

Délice dégoulinant
Eclats de bruire
Dans les feuilles follettes

Hécatombe de trombes
Dévergondées
Chaque éclaboussure susurre
Vois
Comme je m’emmêle
A ta chevelure

Souriant à ce fluide
Qui coule dans ma gorge
Je m’offre
Bras ouverts
A son divin mystère


Tranche de vie – 14

Coquette et Pomponnée se baladent à bord d’un poudrier
Mais soudain dans le tain mordoré,
Un laquais tout coudé leur fait un pied de nez
Foin de perruque à volutes enneigées, courrez…
Le sacripant va pour éternuer !


Collage – Cartilage aurifère

Collage – ©Ghislaine Rouxel – 2011 – 70×30

GR_Cartilage aurifère_2011_30X60

 


Poème – Tragédie

Une quarteronne écarlate
Trône sur une plaque de verre feuilleté
Les feuillures s’écartent
La rougeaude dérape
Se rattrape au coin du sous-main
Qui se fend à son tour sous ses doigts gourds

Elle lâche

Il se brise en éclats dorés
Et les tessons éparpillés
Percutent le plancher qui cède
Dans un craquement soupiré

Poussières d’araignées et termites explosés
Giclent
Tragiquement

Tragiques


Lettre ouverte – Papounet

Nous voici réunis, ici, ou par la pensée, pour toi, autour de toi.

Toi, le breton d’Alger, le celte de la méditerranée.

Toi, le tourneur ajusteur,
le dessinateur industriel,
le sous-marinier,
le mécanicien de soute des navires de guerre,
le chercheur de plomb au fond des mines du Maroc,
le dépanneur de frigidaires,
le fabriquant – trafiquant ? de machines à coudre,
le diplômé de l’école supérieure des industries du vêtement (dont l’obtention a déclenché ma fabrication).

Toi le roi des textiles du nord, toulousains, lyonnais, bordelais,
le syndicaliste déterminé,
le chef suprême régnant sur les ateliers où des centaines de cousettes te lorgnaient, avec un brin d’admiration.

Toi le retraité plein d’allant, bourlingueur, fidèle en amitié.
Le photographe des fleurs, des fêtes de familles, des paysages d’automne, et des couleurs mystérieuses que toi seul pouvais voir.

Toi et maman, indissociables dans mes yeux d’enfant.
Sa douceur, ton énergie,
sa sagacité, ton esprit d’aventure,
sa retenue, tes élans,
votre goût des autres partagé,
un coup de foudre de presque 60 ans.

Tu l’as portée dans vos figures acrobatiques de jeunes amoureux sportifs, tu lui as cassé les côtes en dansant le rock, broyé les bras en l’enlaçant …
Et puis, tu as tenu sa main dans sa prison de cécité, accompagnée dans les jours sombres de la maladie,
et aimée pour toujours.

Toi qui, … vers tes 86/87 ans, as su faire découvrir la joie de vivre à notre petite Jeannette.
Tu lui as offert ces deux années, bien trop courtes, mais si denses,
que vous avez goûtées ensemble dans la complicité, les rires et la tendresse.

Toi, dont l’humour ravageur, les jeux de mots tirés par les cheveux et les blagounettes resteront légendaires.
Tout comme cette étonnante capacité à t’accorder avec toutes les générations, sans aucun préjugé, avec simplicité et bonne humeur.

Toi le père précurseur qui changeait nos couches de bébés, venait nous chercher à l’école, nous portait sur tes larges épaules, toujours fier de ses filles.
Toi le dessinateur de Bécassine, qui cousais les ourlets des pantalons et puis des grands rideaux.
Toi qui as instillé dans mes gènes ta fameuse maladresse… je t’en remercie…

Toi qui attirais les enfants comme le cerisier les oiseaux.
Toi, le tonton affectueux et accueillant.

Toi le grand-père pas ordinaire.
Le papy attentif, à tous et à chacun.
L’ex petit garçon solitaire pour qui enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants, occupaient chaque fibre de ton cœur.

Toi qui as su nous montrer les chemins de la tolérance, de la fantaisie, de la combativité, de l’amour et de la générosité.

Toi, mon papounet.
Je te dis au revoir.

Bientôt, tes petites particules vont s’envoler jusque dans l’atmosphère bleutée, et y retrouver celles de maman,
pour les enlacer,
libres, joyeuses et dans la lumière du soleil.

pa et riquette à la houpe_02


Tranche de vie – 13

Chevauchant suavement à travers le champagne
La voilà sauvagement colletée par le pagne
En rangées ascendantes aux effluves guerrières
Les bulles attaquèrent par vagues aurifères
Drôle de croisière


Collage – Le cabinet des l’oies

Collage – ©Ghislaine Rouxel – 50 x 60

GR_le cabinet des l'oies_2012_50X60