Texte – Torpeur

Parcourir tous les points de contacts du corps et sentir le sable doux-dur à travers l’éponge à rayures.
Bouger lascivement les hanches, le bas du dos, les épaules et les coudes, terminer par les pieds pour creuser son empreinte et faire la coquille sienne.
Savourer cette première immobilité.
Clore très délicatement les cils, iris éblouis. Un ultime rayon transperce de lumière rouge l’intérieur des paupières. Des brillances qui dansent, microbes incandescents, marquent puis superposent les contours des dernières formes entrevues ; festons des vagues, fils des nuages, blancs, bleus.

A fleur de peau, entrer au cœur des sensations.
Doucement la chaleur prend possession des lieux, fait exsuder des pores les gouttes minuscules et capture un souffle léger hérissant les petits duvets. La laisser s’immiscer, pénétrer jusqu’au fond les cellules, ne faire qu’un avec elle.
Volupté.
Peu à peu se dissoudre, se sentir transmutée en pure incandescence.
Et là, pendant que l’enveloppe tout lentement mijote, sinuer paresseusement jusqu’au cortex.
Faire naître les images en sphères éthérées, s’envoler, redescendre, voguer, se jouer d’elles. Les étranges et les drôles, les douces et les coquines, les cocasses, les lumineuses.
Y fusionner le corps, le reperdre, n’exister que dans son intérieur mais être partout à la fois, espace-temps hors limites.
Somnolence en petits pointillés d’oubli.
Reprendre une semi-conscience, fabriquer des chimères, inventer des décors, choisir ses héros, s’immerger dans l’histoire, caracoler, jouir, s’abandonner.

Juste avant la brûlure, mouvoir les muscles alanguis, activer les batteries au niveau minimum, tendre le bras pour lamper quelques gorgées, puis accomplir une demie rotation.

Alors offrir à l’air libre le coté macéré, ressentir de ce fait un soupçon de fraîcheur. Jeter aux alentours un coup d’œil distrait, les lumières, le blanc, le bleu limpide, l’océan, ses rouleaux, des taches de couleurs éparpillées au loin, et se caler sur la bonne joue.

Ainsi déposée sur l’autre face, parcourir tous les points de contact du corps…

Juste avant la brûlure, s’assoir toute en langueur, secouer le sable doré, reprendre vie dans l’ombre du parasol rayé, boire encore et encore l’eau tiédie. Faire redescendre la température pour aller se plonger dans l’écume qui fouette.


Poème – Tendre n’est pas la nuit

Spectre nocturne
Ses phalanges mortifères griffent
Mon cœur décomposé
Elles arrachent les boyaux vitaux
Faisant gicler
Les larmes de sang
Et hurler le cri silencieux
Déchirant
De l’injustice

Fantôme poudré
Le vent de sable
Ravage tout sur son passage
Comme une toile émeri
Il fouette, lacère
Ecorche, aveugle
Rend l’air obscur
Emplit les narines
La trachée artère
Les alvéoles pulmonaires

Tendre n’est pas la nuit

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Collage – Je te vois

Collage – ©Ghislaine Rouxel  – 2014 – 46×38
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